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0… Un monument de travail et d’inspiration.
Que de chemin parcouru! Merci
Dr Danielle Junod-Sugnaux, historienne d’art
Un livre de cabinet!
Sapho Saphorin, restauratrice
C’est plus que de la belle ouvrage, c’est érudit, ô combien, mais surtout intelligent,
plein de sagesse, d’émotion… et d’humour! On lit. On a envie de relire.
On relira. Tout est à déguster
Gil Pidoux, écrivai
… Un livre de chevet!
Jean-François Reymond, plasticien
L’art est-il racontable? Ne se suffit-il pas à lui-même?
Sans doute… Mais l’émotion artistique, cela se partage, la vie d’artiste, cela se raconte, les œuvres, cela intéresse, irrite ou passionne.
Cette vie artistique, le magazine ph+arts en rend compte, depuis sa création, en août 1998. Dans le numéro du 1er novembre 1998, Pierre Hugli signe son premier éditorial. Ici est présenté un choix de cent éditoriaux qui donnent un reflet vivant de tout ce qui a pu se passer en vingt ans dans l’univers artistique. Les sujets sont puisés non seulement dans l’actualité suisse française, mais en France, en Europe, aux Etats-Unis, en Afrique et en Orient.
Grand lecteur, l’auteur fait appel à des sources très diverses: journaux, des écrits d’artistes, d’historiens d’art, de philosophes, de scientifiques, de romanciers. Ce dont il est sûr, c’est l’importance de l’art dans l’existence de toute civilisation comme dans la vie de chacun.
Ecrit dans la bonne humeur, d’une manière claire et déliée, sans pédantisme, ce livre témoigne d’un engagement foncier dans l’aventure de l’art, faisant souvent preuve d’un humour qui n’exclut ni la critique ironique ni le propos épigrammatique.
Pierre Hugli est né le 12 avril 1939 à Tunis, d’un père suisse, professeur, écrivain, journaliste et d’une mère parisienne, romancière. Il a principalement vécu à Lausanne, et, Valaisan de cœur, se rend volontiers au Maroc.
Etudes aux Collège et Gymnase classiques, à Université de Lausanne (sciences politiques) et au Conservatoire de Lausanne (piano). Entré à la Gazette de Lausanne en 1964, il y collabore jusqu’à la fin de ce quotidien en 1991. Il signe aussi des articles dans Construire, 24 Heures, la NZZ, Das Orchester, Diapason, La Revue musicale de Suisse romande, puis Voir et Cimaises, avant de fonder ph+arts avec Serena Martinelli, artiste peintre et graphiste. Depuis 1968, Pierre Hugli organise des concerts de musique classique : les Concerts de l’Ouest, puis les Concerts de Montbenon. Il produit aussi des disques de musique classique.
*Cent Editoriaux, 178 pages, CHF 20.-
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A rendre fou
Bistros et restaurants fermés, lieux de spectacle, d’exposition, de musique fermés: ainsi se retrouve la population suisse en ce début d’année 2021, au nom d’une pandémie dont les chiffres baissent régulièrement depuis un mois, par le seul souci de prévenir la venue de nouveaux virus venant de Grande Bretagne ou du Brésil… on rêve! Tout se passe comme si une minorité de dirigeants voulait couper une grande partie des Suisses de toute rencontre, de toute discussion, de toute culture, au nom de la santé publique… mais au détriment de sa santé mentale!
Ce n’est pas nouveau: on peut tout faire dire aux chiffres, aux statistiques (mot latin dont l’origine, status, indique clairement l’Etat). Les statistiques étaient naguère évoquées par la télévision officielle, devenue le relais de l’Office fédéral de la santé publique. Moins maintenant et pour cause… Les dernières statistiques nous apprennent aujourd’hui où j’écris ces lignes que la Suisse recense 4703 cas de coronavirus (selon des tests PCR peu fiables au demeurant). Sur 8,8 millions d’habitants, cela nous donnerait moins d’une chance sur 10 000 d’«attraper» la maladie, et de plus, en tenant compte des personnes à risque de plus de 65 ans, moins de risques encore pour les jeunes et adultes dans la force de l’âge.
Doit-on ainsi priver ces derniers de toute vie sociale, amicale, amoureuse, artistique? Au nom de la santé publique? Et s’il y avait autre chose? Tout se passe en effet comme si nos autorités agissantes voulaient aligner notre pays sur l‘exemple de la Chine. Je me réfère ici au travail de l’Américaine Catherine Austin Fitts, manager et femme politique (1), qui dénonce une sorte de complot mondial. Selon elle, une certaine frange de l’humanité, très riche, tendrait à remplacer le système démocratique par un système mondial totalitaire, en accaparant toutes les richesses et en appauvrissant le reste de l‘humanité réduit à l’état d’esclaves consentants – ce qui serait déjà advenu en Chine. Elle détaille les stratégies: suppression des monnaies, endettement des indépendants, des petites et moyennes entreprises, encouragement des grosses entreprisses, pharmaceutiques en particulier, généralisation de la peur qui pousse les gens à demander la protection des gouvernants, à se faire vacciner, généralisation des contrôles des citoyens, limitation des possibilités de déplacement, avènement d’une trans-humanité qui, avec les robots, assure le travail nécessaire…
Nous n’en sommes pas là, dans notre bonne vieille Europe. Mais pour l’instant je me fais volontiers le relais de la psychiatre parisienne Anne-Marie Dubois, du Centre hospitalier Sainte-Anne, qui plaide en faveur d’une levée des interdictions actuelles, notamment dans le domaine culturel, afin de maintenir la santé mentale de la population (2): «Si les effets des confinements sur la santé mentale ont été démontrés, l’absence de vie artistique est également néfaste. Être connecté à l’histoire, aux mouvements culturels, est très important d’un point de vue préventif, dit-elle.
»Cela permet de se situer. Pas comme l’unique objet du monde, mais d’être inscrit dans une filiation, de solliciter des intérêts, d’avoir envie de chercher, de créer des liens. C’est de l’ordre de la stimulation intellectuelle et de l’ancrage dans une existence qui ne soit pas isolée.» Ainsi, l’homme isolé, sans source culturelle, devient fragile.
«… chaque chose qui vous arrive est vécue au premier degré, et n’est jamais distancée. Et c’est pour cela que je dis que l’absence de rapport à l’histoire et à la culture fait des individus qui n’ont plus de ressources personnelles, pour lutter contre la dépression, pour lutter contre un certain nombre d’événements pénibles qui peuvent arriver.»
Cela, les autocrates qui nous entourent l’ignorent délibérément, qui considèrent la culture comme un divertissement, plein de dangers, pour les administrés comme pour eux-mêmes. Cela ne vous évoque-t-il pas le temps de l’ «entartete Kunst», de l’art dégénéré?
Il faut donc lutter. Oh, certes, selon son tempérament, pas forcément en évitant de se laver les mains ou de porter un masque… mais, par exemple, en lisant, en consultant, sur internet, des opinions impropres à la propagande télévisuelle, et en essayant d’organiser de petites réunions, chez soi, de causer, d’écouter de la musique, d’inviter des artistes, de boire un verre. Oui, gardons le moral, nous en avons besoin, ne serait-ce que pour résister!
Pierre Hugli, 20.01.21
- «Planet Lockdown», 03.01.21
- France Musique,
Éditorial du confinement
Libération
Je me suis laissé dire que l’origine de la pandémie actuelle venait d’un petit animal vendu au marché de Wuhan, en Chine : un joli petit animal vivant, le pangolin, fourmilier écailleux que les Chinois mangent volontiers en ragoût, faisant aussi une soupe avec ses écailles auxquelles ils prêtent une vertu aphrodisiaque. Et si c’était un (premier ) avertissement ? « Ils ne mouraient pas tous », mais aujourd’hui un humain sur sept en est frappé. Et si c’était tout simplement, par Dieu, Allah, Bouddah ou Rat-aph, une réaction face au massacre annuel de 60 milliards d’animaux pour satisfaire les appétits carnivores d’une certaine partie de l’bumanité?
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De peur de devenir des cons finis, les confinés devraient faire appel à la culture, sur laquelle Coline Serreau vient de donner une belle réflexion :
Pour ce qui est de la culture, les peuples nous enseignent des leçons magnifiques : la culture n’est ni un vecteur de vente, ni une usine à profits, ni la propriété d’une élite qui affirme sa supériorité, la culture est ce qui nous rassemble, nous console, nous permet de vivre et de partager nos émotions avec les autres humains.
Or, aujourd’hui, si les magasins d’alimentation et les pharmacies restent ouverts, on a fermé les galeries, les musées, les librairies, les bibliothèques, les établissements vendant ou prêtant des disques, de la musique. Les vieilles personnes peuvent recevoir des vivres à domicile, non des livres… A moins de les acheter par correspondance, ce qui n’est pas usuel pour la plupart d’entre elles, et reste bien évidemment coûteux. Bien sûr, les grands lecteurs font appel à leur propre bibliothèque, les mélomanes à leur discothèque… Ce dont j’use abondamment. On peu de temps à autre pêcher un bon film à la télévision.
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Pour ce qui est de la musique je recours volontiers, sur internet, à Youtube. Quoi de plus exaltant que de comparer les interprétations de grandes œuvres ? Je me suis surpris à écouter tout ce que je trouvais de l’ouverture de Beethoven Leonore III (après avoir revu, sur Arte, La Vérité de Clouzot, qui nous présente Samy Frey dirigeant une répétition de la conclusion.
Leonore III est l’une des quatre ouvertures que Beethoven écrivit pour son unique opéra, dont ’il mit dix ans, entre 1804, à mettre au point la version définitive. Intitulé au départ Léonore, puis Fidelio en 1814, cet opéra conte l’enfermement de Florestan dans une prison d’Etat – l’action se situe en Espagne, mais nous sommes bien en France du temps de la Terreur, dix ans auparavant : et c’est à l’opéra français, à Méhul et Cherubini que Beethoven se réfère, pour composer une musique nouvelle sur un sujet qui annonce l’une des horreurs des futures sociétés, celles Staline à Poutine, d’Erdogan, de Mao à Xi Jinping , en bref la détention et l’exécution des opposants. Sauf que, dans Fidelio, Beethoven met en scène le personnage providentiel de la femme, l’épouse courageuse qui va empêcher l’assassinat de son mari, et parviendra à faire libérer tous les prisonniers.
Léonore III nous plonge dans l’atmosphère de la prison, les souffrances et les espoirs du prisonnier Florestan, l’amour de Léonore-Fidelio, son courage, la respiration des prisonnier s qui goûtent l’air libre, la venue du ministre qui opère la libération, la fête finale. Léonore III n’est plus jouée au début de l’opéra, mais au début du second acte. C’est la plus longue des ouvertures de Beethoven, la plus dramatique, la plus belle à mon sens. Elle a été beaucoup enregistrée par les plus grands chefs. J’en ai écouté une bonne vingtaine, de Toscanini à New York en 1939 et Furtwängler à Vienne en 1944 à Mariss Jansons à Munich en 2015, en passant par Celibidache, Szell, , Böhn,, Karajan, Bernstein Masur, Barenboim, Ozawa, Welser-Möst, Harding… et celle de Klaus Tennstedt au Met de New York en 1984, dont j’adore l’énergie… que je vais retrouver chez la jeune Lituanienne Mirga Gražinytė-Zyla, à la tête de son Orchestre de Birmingham à Londres en 2017, qui restitue toute la puissance d’une personnalité frémissante et courageuse, à l’image de l’héroïne !
Tant il est vrai que la musique de Beethoven est toujours libératrice, porteuse d’espérance, prophétique, de tous les temps elle est fait e pour les enfermés, les prisonniers, les reclus , elle tire de nous le meilleur, elle nous insuffle l’espoir, la générosité, elle nous sort de notre quotidienneté – et nous fait songer à tous nos frères enfermés, y compris les migrants qui, en Turquie et ailleurs, se trouvent aujourd’hui doublement confinés.
Pierre Hugli 6 avril 2020
Pierre-Jean-Ali Hugli est né à Tunis le 12 avril 1939, d’un père suisse, professeur et journaliste, et d’une mère française, Luce Rigaux, romancière et violoniste. Homme de rencontres, journaliste, critique, écrivain, organisateur de concerts et de fêtes, il vit à Chemin en Valais, à Lausanne, et aime le Maroc. Père de cinq enfants, avec l’éducatrice Michèle Hugli-Reymond: Valérie, cuisinière émérite, Fabrice, haut fonctionnaire à l’Etat de Vaud, Charles, encadreur à Morges; avec la pianiste Brigitte Meyer: Jean, informaticien, et Charlotte, violoniste.
Etudes classiques (Collège classique cantonal de Lausanne, avec notamment Maurice Budry et Jacques Mercanton), licence ès sciences politiques de l’Université de Lausanne (Prof. Jean Meynaud), diplôme de piano du Conservatoire de Lausanne (Classe de Jean Perrin).
Il a eu la révélation de la musique grâce à sa mère puis Jean Perrin qui devint son professeur, et en assistant, dès l’adolescence, aux concerts d’Edwin Fischer, Clara Haskil, Carl Schuricht, Igor Markévitch, Ernest Ansermet, Victor Desarzens, Charles Dutoit, enfin la pianiste Brigitte Meyer, avec qui il vit de 1972 à 1990.
Dès 1958 journaliste à la Gazette de Lausanne: critique musicale, rubriques littéraire et artistique (Gazette littéraire), gastronomique et œnologique. Puis collabore à 24 Heures (critique TV) et Femina (expositions, gastronomie)…
Rédige des textes pour des programmes de concerts: Festivals de Montreux, Festival de Lausanne, Concerts-Club, Orchestre de chambre de Lausanne, ainsi que pour des disques: Ex Libris, VDE-Gallo, Doron, Tudor, Genuine. Signe des articles dans la Revue musicale suisse, la Revue musicale de Suisse romande, Diapason, Musique de tous les temps, Neue Zürcher Zeitung, Construire, Coopération, Femina, Voir.
Production de concerts et de disques. Interviews de compositeurs, entre autres: Boulez, Penderecki et sa Passion selon saint Luc (création à Münster), Ligeti, Maderna, Berio, Frank Martin, Sutermeister, Julien-François Zbinden, Klaus Huber, Heinz Holliger, Pierre Mariétan, Jean Perrin, Jean Balissat, Jean Daetwyler, Jost Meier, Henri-Louis Matter, Eric Gaudibert, Jean-François Bovard, Jean-François Monot, Dominique Gesseney Rappo, Eric Dubugnon, Veneziela Naydenova.
Interview de nombreux artistes, entre autres les chefs Ansermet, Desarzens, Dutoit, Jordan, Matacic, Klecki, Dorati, Boulez, Krivine, Celibidache, Wand, Maag, Auberson, les violonistes Szigeti, Menuhin, les pianistes Gulda, Brendel, Magaloff, les violoncellistes Fournier, Schiff…
Révélation des arts plastiques en compagnie, en particulier, du sculpteur et graveur Armand-C. Desarzens. puis d’André Jaccard, poète et plasticien. Entre 1992 et 1994 galeriste du Buffet de la Gare de Lausanne. En 1995 crée le magazine artistique Cimaises, suivi, en 1998, du magazine ph+arts dont il est, avec sa compagne la plasticienne Serena Martinelli, le gardien pendant plus de 20 ans, jusqu’en décembre 2019.
Rencontre d’artistes plasticiens: Botero, Soulages, Tinguely, Arrabal, Ben, Spoerri, Zoccola, Jean-Claude Hesselbarth, Yves Dana, Etienne Krähenbühl, Pierre Casé, Sam Gabai, Gottfried Tritten, Francine Simonin, Claire Nicole, Catherine Bolle, Myriam Tinguely, Chantal Quéhen, Kurt von Ballmoos, André Gasser, A.C. Desarzens, Jean-Claude Vieillefond, René Guignard, André Jaccard, Mario Masini, André Raboud, Richard Aeschlimann, Pierre Queloz, Jacques Minala, Luc Joly…
Publie avec le concours de Serena Martinelli le livre Cent Editoriaux (ph+arts, Coll. Expresion vivante, Lausanne, 2018).
Il travaille en collaboration avec des musiciens, compositeurs et interprètes, entre autres la pianiste Brigitte Meyer avec qui il a fondé les Concerts de Montbenon à Lausanne en 1981 – association dont il est toujours président, y invitant des interprètes , notamment Nikita Magaloff, Vlado Perlemuter, Heinrich Schiff, Yehudi Menuhin, György Sebök, Paul Badura-Skoda, Daniel Barenboim, Deszö Ranki, Martha Argerich, Maria-Joao Pires, Tatiana Nikolaieva, ,Ivo Pogorelich, Marietta Petkova, Alexandre Rabinovitch, Dominique Merlet, Bruno-Leonardo Gelber, Abdel Rahman el Bacha, Christian Favre, Jean-François Antonioli, Iona Brown, Shlomo Mintz, Pierre Amoyal, Giovanni Antonini, Nikolaus Harnoncourt, Facundo Agudin…
Alias Ratatafiole, Pierre Hugli rend depuis 2007 un culte à la bactérie Rat-Aph, déesse de la fermentation et des grands buveurs – de Bacchus à Jean-Sébastien Bach, Mozart, Beethoven, Rousseau et Verlaine, et dont l’Olympe se trouve être le Catogne.
Pierre Hugli
C.P.110 1018 Lausanne
Surfrête 15 CH- 1927 Chemin
Voici l’éditorial du dernier numéro imprimé du magazine ph+arts : nous étions arrivés au No 143. Cela avait commencé 21 ans auparavant en novembre 1998. Le chiffre a été choisi: 1 + 4 + 3 = 8. Huit c’est le chiffre de l’infini, un chiffre sacré, symbole de l’équilibre et d’éternité. Il réunit les mondes physique et spirituel dans une circulation spiralée. Couché, il devient lemniscate, symbole de l’infini. Présent au cœur de nos cellules, dans la structure de la molécule d’ADN, il représente deux hélices entrelacées.
Pour définir ce que j’ai essayé de faire dans ph+arts, je recours à la citation d’un personnage d’Asta, de l’écrivain islandais Jon Kalman Stefansson: « … je suis un citoyen comme les autres, quand je fais mes courses, je suis aussi naïf que la plupart des gens et je gobe les illusions dont nous nourrissent les politiques et les groupes d’intérêts, je suis un galérien qui ne se méfie de rien, plongé dans les entrailles de la frégate des puissances du marché. Mais c’est différent dès que je me mets à écrire…
Pour moi un journalisme digne d’intérêt doit non seulement informer, mais aussi éduquer, cultiver, faire découvrir des aspects cachés, secrets du monde. Je ne veux pas dire que c’était mieux autrefois, il existe d’excellents journalistes aujourd’hui. J’admire beaucoup le journaliste italien Tiziano Terzani (1938-2004), qui travailla pour L’Espresso et pour le magazine allemand Der Spiegel, journaliste engagé dans les guerres du Vietnam, du Cambodge, spécialiste de l‘Asie, de l’Inde et le Chine: «Il faut que tu comprennes un point important, écrit-il à son neveu. Ma façon de travailler consiste à lire énormément, et à lire énormément les livres d’histoire. Tu verras : ma bibliothèque est remplie de livres sur l’Indochine et l’histoire coloniale. C’est avec ce bagage que je m’orientais. J’emmenais mes livres avec moi, ou je rentrais à la maison et je lisais… Si l’on ne comprend pas l’histoire, on ne comprend pas l’actualité Si l’on ne fait que décrire des faits, on raconte des mensonges…
» Je voulais raconter aux autres les images qu’ils ne voyaient pas, les sons qu’ils n’entendaient pas. »
Et de regretter l’avènement de la télévision qui réduit la durée d’attention du l’homme actuel. On ne peut plus écrire de longs articles, on doit recourir à des artifices de mise en scène pour capter cette attention amoindrie.
Certes, je ne veux nullement comparer mon travail à celui de Terziani, mais je sens un écho de ce qu’il dit lorsque je rendis compte des mondes nouveaux, cachés, parfois mystérieux, difficiles à pénétrer de musiciens, de peintres de sculpteurs, de photographes, dont il fallait essayer de comprendre le langage avant de le dévoiler, en acquérant les outils permettant une bonne vulgarisation – surtout l’écoute, l’écoute!
Ainsi La vie a pris son sens, pour moi, dans l’attention à l’autre, dans son besoin d’expression, dans la beauté qu’il tente d’apporter, par des moyens personnels, à toutes sortes de réalisations nouvelles, chargées d’émotion.
Rachel Monnat
Comme de nombreuses infirmières, Rachel Monnat a abandonné son métier. Toujours la même raison: trop de charges administratives, trop peu de temps pour la relation avec les patients. Mais parmi celles qui ont démissionné, Rachel est sans doute la seule à être devenue modèle. Son roman L’intouchable nudité est une œuvre de fiction reposant sur une partie documentaire très précise. Le tout s’articule sur des séances de pose dans différentes positions, qui ont eu lieu en 2009 et 2015, et où la narratrice décrit ce qu’elle a fait pour poser, et en même temps conte ce qui lui passe par la tête; elle a le temps de réfléchir, elle brode des histoires, ses relations avec une amie, sa mère, sa sœur, quelques amants- tout cela nous mène à une intrigue extraordinaire où elle va trouver, dans sa famille, une aïeule qui fut aussi modèle, puis danseuse au Moulin Rouge.
Je trouve ce livre très fort, bien mené, à la fois témoignage de courage pour se lancer dans un métier qui n’est facile qu’en apparence, et porteur de réflexions intelligentes sur la manière, pour l’individu, de se comporter face à la société. C’est une expérience particulière de se trouver nue devant une vingtaine de garçons et de filles qui vous dessinent… quand ce n’est pas devant un artiste seul, où le rapport peut changer du tout au tout. Pudique de nature, Rachel Monnat s’en tire toujours à son honneur, en femme bien équilibrée qu’elle paraît être. J’aime le passage où l’écrivaine jurassienne fait l’apologie du naturisme.
Edité par l’auteure elle-même, ce livre est au demeurant un bel objet, imprimé avec un soin attentif.
- Accrosens Editions, Porrentruy, 2021
L’annonce du conseiller fédéral Alain Berset de permettre enfin de rouvrir les restaurants était attendue. Ce qu’on attendait encore plus fébrilement, c’était la réouverture des salles de spectacle, non pas à 50 personnes, mais au moins à 500. Las! Cent, c’est un peu juste. Les amateurs de musique sont encore déçus, ils devraient peut-être attendre la fin de l’été.
En quête de transport
Je n’ai jamais beaucoup aimé le terme de culture lorsqu’il était employé par les autorités politiques quelles qu’elles soient, de Goebbels et son revolver (citation dérivée d’une pièce de Hanns Johst : «Wenn ich Kultur höre… entsichere ich meinen Browning!)… à Jack Lang et ses paillettes et strass. A l’exception de Malraux: « La culture est l’héritage de la noblesse du monde, la seule force que nous ayons en face de l’élément de la nuit c’est précisément tout, ce qui en nous, échappe à la mort.» Il ne confondait pas la culture avec le divertissement. Comme l’agriculture, la culture comprend un combat, non pas contre la nature extérieure comme le paysan, mais contre la propre nature de l’homme, qui au départ s’élevait vers la divinité, et qui dans les temps modernes tente de réaliser une transcendance.
L’ère du ou de la COVID (la querelle du féminin contre le masculin s’impose aussi ici, cela ne me dérange pas!) qui s’est instaurée l’an passé a semble-t-il interrompu ce combat pour beaucoup d’artistes qui en ont amèrement souffert.
On peut en apercevoir certains signes lors de plusieurs manifestations artistiques de la reprise. A notre grande surprise, la tendance générale des dernières créations, entamée d’ailleurs depuis le début du siècle, et pour autant que j’en ai pu moi-même juger, est que le décoratif l’emporte largement sur la quête du sens de l’existence qui a certainement dû marquer des artistes d’exception. Cela pourrait donner raison aux autorités qui nous gouvernent durant cette crise, et qui relèguent l’art au second plan en le rangeant parmi les divertissements et en confondant les manifestations culturelles avec la restauration, l’exercice du sport et des boîtes de nuit.
Mon ami le compositeur Alexandre Rabinovitch-Barakovsky, dans un article sur le peintre Vladimir Yankilevski, fait une distinction qui m’apparaît éclairante entre les artistes adeptes de l’art pur et les autres, dits «visionnaires». Il cite pour les premiers Cézanne : «les tableaux ne représentent rien et devraient avant tout représenter la riche palette de couleurs» et Debussy: «la métaphysique est l’art de dire des choses extrêmement stupides dans un langage brumeux et obscur». Or, sans forcément être brumeux et obscurs, nombre d’artistes de la scène actuelle pourraient rechercher une voie autre, où le combat se mêle au plaisir de fabriquer et au contentement du grand public. Cela n’a rien de répréhensible en soi… mais cela ne saurait personnellement nous transporter!
Pierre Hugli
2 juin 2021
Nous étions bien assis, sur des fauteuils confortables, alors que les autres invités n’avaient droit qu’à des chaises. Je me souviens avoir été très mal assis, pour le concert d’une artiste russe : je me souviens surtout de ce récital magnifique.
Ce soir c’est une pianiste italienne, invitée par un ami chez notre hôte mécène. Le programme promet d’être très sérieux. Choral de Bach, pièces de Schumann e de Brahms. Dans sa présentation, l’ami dit que notre artiste ne joue pas comme les autres pianistes. Dieu sait ! Qu’elle ne joue pas comme Pollini, Argerich ou Brendel, «pas de souci»… Mais quels autres ? Les meilleurs, sans doute pas, mais les pires ??
Dès les premiers accords, je lui donne raison: il n’y a pas pire! Du moins à mon oreille attentive, vite blessée par cette débauche de notes dures, de lignes brisées, de phrases sans articulations, absence totale de chant et de respiration pour une Italienne, des harmonies faussées, par cette absence de construction, de rythme. Cela me rappelle de bien mauvais souvenirs, alors qu’encore enfant dans le années 50 j’allais écouter des auditions d’élèves qui essayaient d’ânonner des partitions de Brahms, un compositeur dont je m’étais mis à détester ces débauches de notes débitées sans compréhension architecturale, ni sens polyphonique, rythmique, expressif… de la «grande musique on n’y comprend rien» comme me disaient mes cousins parisiens, adeptes d’Etoile des neiges et d’Ah! le petit vin blanc. Et je me mets alors à la place des gens qui n’entendent rien à la musique classique, obligés à s’asseoir sans bouger pour écouter un concert, une heure durant ou plus, quelle torture!
Le programme s’annonçait assez sombre, les compositions de Brahms étant pour la plupart celles du vieux musicien proche de la mort, sublime, certes, mais pas tellement gai… en cette fin du XIXe revenue des premiers élans du romantisme. Je m’imaginai au fond d’un puits à sec comme dans les Chroniques de l’Oiseau à ressort de Haruki Murakami, où le fantastique se mêle désagréablement à la réalité, ou dans un de ces troublants trous noirs où l’on assiste, d’après la seconde théorie de la relativité, à une torsion du temps, pour parvenir, notamment selon Eric Gourgoulhon, à pas de temps du tout… Il faut remarquer ici que, pour traverser le temps, immobile, un critique musical à la retraite a dû acquérir une certaine expérience, notamment lors des festivals de musique contemporaine.
Donc la musicienne est enfin arrivée au point final. Poliment applaudie, elle a encore concédé un bis, avant de se trouver entourée par des spectateurs ravis, un verre de vin à la main… J’essaie de partir sans saluer, mais dans l’assemblée se trouve une bonne âme qui veut absolument me présenter l’artiste… Je salue en mesurant mes compliments, et ma foi elle ne s’en tire pas trop mal, exercée aux mondanités, avec tout ce qu’il faut de fausse modestie vis-à-vis des compositeurs dont elle a étudié la biographie. Là, elle joue relativement bien le jeu, elle fait comme si… comme si elle était totalement inconsciente de la tristesse des horreurs qu’elle nous a fait vivre!