Editorial No 4

by pierre_hugli@pharts_ch

 

L’annonce du  conseiller fédéral Alain Berset de permettre enfin  de rouvrir les restaurants était attendue. Ce qu’on attendait encore plus fébrilement, c’était la réouverture des salles de spectacle, non pas à 50 personnes, mais au moins à 500. Las! Cent, c’est un peu juste. Les amateurs de musique sont encore déçus, ils devraient peut-être attendre la fin de l’été.

En quête de transport

Je n’ai jamais beaucoup aimé le terme de culture lorsqu’il était employé par les autorités politiques quelles qu’elles soient, de Goebbels et son revolver (citation dérivée d’une pièce de Hanns Johst : «Wenn ich Kultur höre… entsichere ich meinen Browning!)… à Jack Lang et ses paillettes et strass. A l’exception de Malraux: « La culture est l’héritage de la noblesse du monde, la seule force que nous ayons en face de l’élément de la nuit c’est précisément tout, ce qui en nous, échappe à la mort.» Il  ne confondait pas la culture avec le divertissement. Comme l’agriculture, la culture comprend un combat, non pas contre la nature extérieure comme le paysan, mais contre la propre nature de l’homme, qui au départ s’élevait vers la divinité, et qui dans les temps modernes tente de réaliser une transcendance.

L’ère du ou de la  COVID (la querelle du féminin contre le masculin s’impose aussi ici, cela ne me dérange pas!) qui s’est instaurée l’an passé a semble-t-il interrompu ce combat pour beaucoup d’artistes qui en ont amèrement souffert.

On peut en apercevoir certains signes lors de plusieurs manifestations artistiques de la reprise. A notre grande surprise, la tendance générale des dernières créations, entamée d’ailleurs depuis le début du siècle, et pour autant que j’en ai pu moi-même juger, est que le décoratif l’emporte largement sur la quête du sens de l’existence qui a certainement dû marquer des artistes d’exception. Cela pourrait donner raison aux autorités qui nous gouvernent durant cette crise, et qui relèguent l’art au second plan en le rangeant parmi les divertissements et en confondant les manifestations culturelles avec la restauration, l’exercice du sport et des boîtes de nuit.

Mon ami le compositeur Alexandre Rabinovitch-Barakovsky, dans un article sur le peintre Vladimir Yankilevski, fait une distinction qui m’apparaît éclairante entre les artistes adeptes de l’art pur et les autres, dits «visionnaires». Il cite pour les premiers Cézanne : «les tableaux ne représentent rien et devraient avant tout représenter la riche palette de couleurs» et Debussy: «la métaphysique est l’art de dire des choses extrêmement stupides dans un langage brumeux et obscur». Or, sans forcément être brumeux et obscurs, nombre d’artistes de la scène actuelle pourraient rechercher une voie autre, où le combat se mêle au plaisir de fabriquer et au contentement du grand public. Cela n’a rien de répréhensible en soi… mais cela ne saurait personnellement nous transporter!

Pierre Hugli

 2 juin 2021

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